En
guise d'introduction...
Willy Wauther, mercenaire
musical...
Voici une dizaine d'année qu'eut lieu à la salle des
fêtes de l'Hôtel de Ville de Trazegnies une exposition organisée
par la Bibliothèque de Courcelles et intitulée "Courcelles
Jazz".
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Dimanche 01/09/1957 - Archives Willy Wauthier |
Lors de la préparation de l'expo, je
rencontre par hasard Jeannine et Willy Wauthier. En cours de
conversation, j'apprends inopinément que Willy a été musicien de
jazz dans les années 50-60.
Me voilà interloqué... Cela
faisait une vingtaine d'année que je connais Willy et c'est
la première fois que j'entends parler de son passé musical.
J'avais bien lu un ou deux articles de journaux mentionnant le fait
qu'il participait à des concours de musique classique d'accordéon
en qualité de membre du jury sans me douter que lui-même jouait de
cet instrument.
Tout de suite intéressé par la chose, je
lui demande s'il peut prêter des documents pour l'expo à la bibliothèque. Réponse
: "je ne sais pas si j'en ai gardé et dans l'affirmative, où, ils se
trouvent" [sic]. Une voix dit alors : "moi, je sais".
C'est
son épouse qui vient de parler et une chose étonnante me frappe :
Jeannine regarde Willy de la même manière dont elle devait le regarder quand elle fut
séduite par notre fringant accordéoniste quelques années plus tôt.
C'est ainsi
qu'une partie de l'expo "Courcelles Jazz" put être consacrée à
Willy Wauthier.
Encore mille fois merci Jeannine.
Notice
biographique
Willy Wauthier a toujours vécu à
Trazegnies. Mais, il est est né par accident à Pont-à-Celles le
mercredi 2 octobre 1935, jour de l'invasion de l’Éthiopie par les
troupes de Mussolini.
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Willy & Co à la Maison du Peuple de Trazegnies ? - Archives Willy Wauthier |
Willy
est le fils d'Edmond Wauthier et d'Henriette Régis[sic]. Après
avoir fréquenté l'école communale des garçons et l’École
moyenne de Trazegnies, il étudie l'ergonomie.
Il
débute sa carrière professionnelle à l’Atelier central des
Charbonnages de Monceau-Fontaines. Ensuite, il est engagé par la
Société D'Ieteren à Bruxelles qui, a l'époque, fabrique des
voitures Volkswagen, Porsche et Studebaker.
D'Ieteren
doit s'agrandir et doit faire un choix quant à la production de
voitures. C'est Willy qui conseillera à la firme de se séparer de
Porsche.
En 1954-1955, Willy effectue son service
militaire dans les transmissions à la 7e Cie TTr basée à Liège.
Chef de section, il a sous ses ordres des vétérans de la Guerre de
Corée. Son peloton s'occupe des transmissions entre l'O.T.A.N., le
Congo, les Ministères de l'Intérieur et de la Défense.
Deux
ans plus tard, le 26 septembre 1957, il convole en justes noces avec
Jeannine Petit. Trois filles et un garçon viendrons illuminer et
illuminent toujours leur union.
C'est vers cette époque
que Willy est engagé par la firme aéronautique Boeing Company pour
travailler aux U.S.A. Pour ce faire, Willy et Jeannine doivent
se rendre une quinzaine de jours à Seattle afin de trouver un
logement
Mais, un peu avant leur départ, Willy est
convoqué à l'Ambassade des États-Unis à Bruxelles. Là, il lui
est signifié que son contrat ne prendra pas effet car, le
gouvernement américain n'a pas voté les subsides pour la
construction d'un nouvel appareil.
Mais, qu'à cela ne
tienne ! Dans le même temps, il décroche contrat pour participer à
l'expédition du capitaine d'aviation Frank Bastin en Antarctique en
1958-59. Soit une période de 18 mois. Jeannine est enceinte de son
premier enfant et ne souhaite pas être séparée de son mari pendant
une si longue période. Après d'âpres discussions avec sa future
épouse, Willy ne partira pas.
Mais, il retombe vite sur
ses pieds en matière d'emploi. Il entre chez Caterpilar à Gosselies
toujours pour s'occuper de gestion du travail et il y fait carrière
délaissant peu à peu la
musique.
Mais, venons-en au
sujet qui nous occupe ici : le musicien Willy Wauthier.
La
musique que Willy aime, c'est le jazz et son instrument favori,
l'accordéon. Instrument dont il apprendra à jouer avec l'accordéoniste Alfred Henry qui lui donne des cours privés.
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Alfred Henry - Archives Willy Wauthier |
Déjà
vers l'âge de 12-13 ans, Willy joue dans les cafés. Selon les
lieux, il se déplace à pied ou en vélo, accordéon au dos. Il
participe aussi à de nombreux concours.
Cependant,
Willy suit également une formation musicale classique. Dans un
premier temps, il apprend le solfège à l'Académie de Musique de
Courcelles. Au moment de choisir un instrument, il doit se rabattre
sur la clarinette. En effet, l'accordéon n'est pas enseigné dans
les écoles de musique car, jugé trop vulgaire.
Il
se rappelle avoir marqué Raymond Degueldre, le directeur de l'Académie de
Courcelles par l'excellence de ses résultats : 99% dans toutes les
matières. Du jamais vu...
En
parallèle, Willy apprend les percussions et le vibraphone au
Conservatoire de Charleroi. Ensuite, il entre au Conservatoire de
Mons pour apprendre l'harmonie et la composition.
Dans
un soucis de perfectionnement, il prendra des cours d'harmonie chez
Georges Legrand de Gosselies.
Un de ses condisciples n'est autre
que Raymond Hartéon de Souvret.
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Raymond Hartéon jeune - Archives Jean-Marie Hartéon |
Parallèlement,
il continue à se produire. La carrière musicale de Willy est
prolixe et difficile à structurer quant aux dates. C'est pourquoi,
celle-ci vous est livrée ci-après "en vrac".
Après
le Consevatoire de Mons, il met sur pied une grande formation de
jazz. L'expérience sera de courte durée et Willy monte une
formation beaucoup plus modeste. Le saxophoniste Robert Lequeux et le
batteur Georges Hennequière en font partie.
N'ayant
pas de nom "officiel", le groupe est renseigné sur des
enregistrements de la firme de disques RONNEX sous l’appellation de
"L'ensemble Willy Wauthier".
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Disque RONNEX - Archives Willy Wauthier |
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Willy Wauthier et son ensemble ? - Archives Willy Wauthier |
Cependant,
Willy et ses musiciens sont appelés à aller jouer en Allemagne et
ils leur faux un nom de scène. Le quintette prend alors le nom
d'"Edy Lep", nom qui leur restera par la suite.
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Quintette "Edy Lep"- Archives Willy Wauthier |
C'est
sous ce nom qu'ils se produisent par la suite à Charleroi "Aux
Caves de Gambrinus" à l'occasion lors du cabaret artistique
"Images de Wallonie" ayant lieu dans le cadre du 10ème
Salon des Arts ménagers. Nous sommes le vendredi 15 novembre
1963.
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Quintette "Edy lep" - Archives Willy Wauthier |
Également prévu au programme ce jour-là, le courcellois
René Godeau ainsi que Claude et Daniel présentés comme des
virtuoses du xylophone.
Willy est également comme
beaucoup de musiciens un mercenaire et court le cachet. Dans les
années 50-60, il est possible pour un musicien de jouer tous les
jours de la semaine.
C'est ainsi qu'il est amené à jouer
avec Dany-André et ses boys lors de bals et qu'il joue du vibraphone
sur un des enregistrements de la chanteuse de l'orchestre, Irène
Courcel.
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Irène Courcel et Dany-André - Archives Irène Courcel |
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Enregistrement où Willy joue du vibraphone - Document Luc Heuchon |
Un
jour, alors qu'il se trouve dans les locaux des disques RONNEX, il
croise Salvatore Adamo venu pour l'enregistrement d'un disque. En
sortant, celui-ci dit dans le creux de l'oreille de Willy de ne pas
signer de contrat avec la firme car, les conditions sont malhonnêtes.
Pour Willy, c'est trop tard. Il est déjà "mains et
pieds liés". En effet, il avait déjà signé un contrat comme
musicien de studio.
Souvent, Willy remplace
l'accordéoniste-pianiste souvrétois Ernest Cordier, membre de
l'orchestre du Casino de Knokke. Il lui arrive également de jouer
ailleurs en Flandre et pour ce faire, lui et les autres musiciens se
déplacent en train avec leurs instruments.
Un jour, Willy
et des musiciens gouytois doivent se produire à Anvers. Leur contre-bassiste
est indisponible et est remplacé par un musicien résidant à
Charleroi. Cette fois, ils bénéficient d'une voiture 4 CV Renault.
Les quatre musiciens s'y entassent vaille que vaille avec leurs
instruments et installent la grosse caisse sur le toit.
Au
retour, ils reconduisent le bassiste à Charleroi et constatent
qu'ils ont perdu la grosse caisse. Ils rebroussent chemin à faible
allure en scrutant la route à la recherche de l'instrument. Ils la
retrouvent à Anvers.
En outre, Willy se produit lors de
ducasses. C'est ainsi qu'il joue pendant les 15 jours de la foire de
Courcelles au café jouxtant le Cinéma Royal, les samedi, dimanche
et mercredi. Il se produit accompagné soit d'un bassiste ou d'un
batteur.
Précisons que Willy ne joue que la musique qu'il aime : le JAZZ. Un jazz "Old School" : Louis Armstrong, Sidney Bechett, Ella Fitzgerald, ...
Il accompagne les "Anne Sisters" à
leurs débuts. C'est ainsi qu'il fera la connaissance du futur époux
de Connie Hill, "Big" Jim Heremant, fondateur du "Big
Jim's Ragtime Band". Ce dernier l'incitera à tâter de la
basse. Mais, Willy n'accrochera pas à l'instrument.
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Connie Hill, Big Jim, Marie-Jo et Jacques Defossez - Archives Pascal Walraevens |
Pendant
tout un temps, il lui arrive aussi de jouer régulièrement, avec des
groupes à géométrie variable, à des soirées dansantes organisées
par la communauté juive de Charleroi. Ces soirées ont toujours lieu
un jour de semaine de 20 à 24 heures "dans une ambiance du tonnerre".
A Charleroi, il a
même joué dans un caboulot "Le Chat noir" et un autre
troquet tenu par un courcellois dénommé Devos, horticulteur de son
état.
Signalons également qu'il a également collaboré
avec un groupe de musique "exotique", "Les Chakachas".
Le groupe était notament composé d'une chanteuse espagnole métisse
et de deux musiciens de Marchienne-au-Pont.
Et,
c'est Willy et non Raymond Hartéon qui a été le dernier
accordéoniste du chanteur carolo Bob Dechamps.
Signalons aussi que Willy a écrit des chansons restées inédites à ce jour et qu'il fut également arrangeur et harmoniste.
Et, il ne faut pas oublier qu'après avoir consacré une partie de sa vie à la musique, il a créé le club philatélique de Trazegnies "Traphila" en 1977 dont il fut le président jusqu'à la dissolution du club en décembre 2017 faute de repreneur.
Willy fut également très actif dans le secteur des personnes âgées en présidant le mouvement social des Ainés"ENEO" jusqu'à sa dissolution le 14 décembre 2018. En subsiste la section "Thraso" qui édite, vaille que vaille, une petite revue consacrée à l'histoire locale de Trazegnies.
Source biographique
Interview de Willy Wauthier / Luc Heuchon en août 2019
Alain Richir et Luc Heuchon
Reproduction partielle autorisée à condition de citer la source.
Contact : alain.luc.richir.heuchon2@gmail.com